';
Interviews

Jean-Marie Avisard

Main verte, depuis 30 ans, à la Fondation Monet, Jean-Marie Avisard succèdera, le 1er avril prochain, à Gilbert Vahé au poste de chef jardinier. Interview d’un «quinqua» aussi humble qu’aguerri…


Etes-vous Normand d’adoption ou natif du coin ?

Je suis né à Pont-Audemer, dans l’Eure, et j’ai grandi à Corneville-sur-Risle, une petite ville située juste à côté. J’ai débuté comme jardinier au château de Tournebut à Aubevoye. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours travaillé la terre. C’était un rêve d’enfant !

Quid de vos débuts à la Fondation Monet ?

J’y suis arrivé en 1988. Et j’ai été embauché après deux années en tant que saisonnier ! Au début, nous travaillions tous ensemble, sans affectation particulière. Puis, lorsque Gérald Van der Kemp a souhaité que Gilbert Vahé sectorise le jardin, j’ai été nommé responsable du jardin d’eau. Je me suis ensuite occupé des extérieurs et avais les deux secteurs en charge.

Qu’avez-vous appris au contact de Gilbert Vahé, chef jardinier historique de la restauration ?

Quand un jardinier arrive à la Fondation, il suit une formation théorique et pratique dans un jardin standard. Mais les jardins de Claude Monet sont tout sauf standards et même très particuliers ! Il faut des années d’expérience pour comprendre l’état d’esprit du lieu. Outre son savoir-faire, Gilbert Vahé a réussi à nous transmettre ce qui fait toute la spécificité du jardin.

Cette nomination, vous y pensiez depuis longtemps ?

Au départ, pas vraiment. Il y a encore quelques années, je n’avais pas du tout cette idée en tête ! Puis, lorsque James Priest est parti et que Gilbert Vahé a assuré la transition, je me suis dit : pourquoi pas ! Je me sentais capable d’apporter quelque chose au jardin car je le connais très bien. Mais j’avoue avoir postulé au départ sans trop y croire. En pensant que c’était peut-être beaucoup. Et, de fil en aiguille, ça s’est fait !

Quels changements souhaitez-vous insuffler ?

Ma priorité, avec mon adjoint Rémi Lecoutre, est de réintroduire davantage de plantes et de variétés. Vous verrez, cette saison, beaucoup plus de bisanuelles et notamment de pensées. Mais je ne veux pas changer brutalement les choses. Ce serait une mauvaise méthode ! Nous verrons, au fil du temps, ce qu’il faut améliorer. Pour l’instant, il me faut bien faire ce qu’il y a à faire… et je penserai aux innovations plus tard !

Comment perpétuer, au fil des saisons, «l’esprit Monet» ?

Je pense que le jardin ne doit pas rester figé. C’est un jardin de peintre, avec beaucoup de couleurs et qui doit paraître naturel. Selon moi, Claude Monet s’était confectionné un jardin coup de coeur. Ce n’était pas un jardin à la française. Il avait envie d’une collection, d’une plante comme les nénuphars -nouveaux à l’époque- ou encore d’iris ? Il le faisait. Je pense que Claude Monet, à notre époque, irait vers des nouveautés…

Que penserait-il, d’ailleurs, de son jardin s’il pouvait s’y promener aujourd’hui ?

Je suis sûr qu’il serait heureux de voir son jardin ainsi. Mais il ne faudrait surtout pas qu’il vienne quand il y a du public. Car là, il ne serait pas très content ! Il y a mille questions qu’on aimerait lui poser. Nous avons par exemple changé beaucoup de choses au jardin d’eau. A son époque, il y avait surtout des iris, rosiers et pelouses. Il n’y avait pas autant de plantes ni de fleurs. Aurait-il validé notre choix ? J’aurais aimé l’interroger à ce sujet….

Vous êtes-vous justement plongé dans l’histoire du peintre impressionniste et de son jardin ?

Oui… et je vais continuer ! Les vieilles photos et les tableaux nous aident à mieux comprendre le jardin, à l’aménager, à savoir où telle chose était. L’idée est de respecter l’histoire tout en travaillant avec les plantes qui existent maintenant. Car des plantes de l’époque de Monet, il ne reste pas grand chose !

Etes-vous sensible aux préoccupations environnementales et partisan du 100% bio ?

J’irai bien, en effet, vers le 100% bio. Nous avons déjà énormément diminué l’usage des produits de traitements. On y recourt de moins en moins, mis à part dans les serres lorsque c’est vraiment obligatoire. De toute façon, les produits anciens sont devenus introuvables ! Et puis, on a constaté que lorsqu’on traite les pucerons, on tue aussi les animaux auxiliaires qui les mangent. Et comme ces insectes se reproduisent très vite, on aggrave le problème. Il vaut mieux garder l’écosystème, voire le renforcer à coups de traitements bio.

Côté management, comptez-vous restructurer l’équipe ?

Il y a une pyramide d’âge assez élevée et il faut, en effet, commencer à penser au changement. Je vais donc restructurer un peu l’équipe, pour que les plus anciens forment ceux qui leur succéderont. Tout le monde doit être mis en avant. Les jardins de la Fondation, c’est le travail d’une équipe et pas d’une seule personne. Sans équipe, on ne peut rien faire. Ce ne sera pas le jardin de Jean-Marie !

Le jardin version 2018 est-il prêt ?

Bien sûr, même si la météo et les périodes de gel nous ont causés quelques désagréments. Durant ces dernières semaines, nous avons fignolé les détails mais aussi préparé l’ouverture : réparation des petites barrières, nettoyage de la barque, gravillonnage des allées… Nous sommes prêts !