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Historique

Hommage

Monsieur Hugues R. Gall, qui dirigeait depuis 2008 la maison et les jardins de Claude Monet – Giverny (propriété de l’Académie des beaux-arts) s’est éteint le 25 mai 2024 à l’âge de 84 ans. Retour sur une brillante trajectoire au service de l’art et de la culture…


C’est à Honfleur, sur les terres d’Alphonse Allais et Erik Satie, qu’Hugues Gall voit le jour le 18 mars 1940. Bercé par une mère mélomane qui l’initie aux merveilles du monde lyrique, il se révèle subjugué, à l’âge de 7 ans, par un Wilhelm Furtwängler dirigeant Beethoven. A Lausanne où il grandit, Hugues Gall nourrit son âme d’artiste en s’exerçant au piano, au violon mais aussi au chant choral. Passionné, tant par les arts que l’administration de la culture, le jeune homme étudie la littérature allemande à la Sorbonne et suit les enseignements de l’Institut d’études politiques de Paris. C’est dans les cabinets d’Edgar Faure au Ministère de l’Agriculture, puis au Ministère de l’Éducation nationale où il planche sur le baccalauréat musique qu’Hugues Gall débute sa carrière. Il rejoint ensuite et très logiquement le cabinet d’Edmond Michelet au Ministère des Affaires culturelles.

C’est en 1969 que s’opère son passage de l’administration ministérielle à celle des établissements culturels, lorsqu’il devient secrétaire général de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux. Entre 1973 et 1980, Hugues Gall seconde Rolf Liebermann, administrateur général de l’Opéra de Paris, institution qu’il dirigera de 1995 à 2004 après quinze années à la tête du Grand Théâtre de Genève. Sous son impulsion, l’Opéra de Paris remplira sa mission de service public de façon exemplaire. Quant à la ville de Genève, qu’Hugues Gall fit rayonner sur la scène internationale lyrique, elle récompensera son travail en lui attribuant la bourgeoisie d’honneur.

Hugues Gall est élu à l’Académie des beaux-arts le 18 décembre 2002, dans la section des membres libres, au fauteuil de Daniel Wildenstein. « Ce fut l’une des plus grandes joies de sa vie, alors qu’il a reçu tous les honneurs et les charges les plus éminentes », témoigne Xavier Darcos, Chancelier de l’Institut de France sur le site de l’institution académique. Ses consœurs et confrères lui confient, le 26 mars 2008, les clés de la maison et des jardins de Claude Monet à Giverny. Dans une interview accordée, en 2018, au site Internet de la de la maison et des jardins de Claude Monet, l’intéressé glissait avoir croisé, très jeune, la route de Claude Monet. « Ma mère et mes ancêtres maternelles étaient originaires d’Honfleur, une terre impressionniste. Mon arrière grand-père, qui s’appelait Arthur Boudin, connaissait l’autre Boudin, Eugène. Ma sensibilisation à la peinture impressionniste et à celle de Claude Monet vient de là. Ma mère m’emmenait dans les grandes expositions. Et Monet m’a sauvé la mise lors de l’épreuve de philosophie du baccalauréat en 1958. Le sujet était la perception des différences. J’ai illustré une partie de mon propos en faisant référence aux séries de Monet. Ça a dû taper dans l’oeil du correcteur puisque j’ai décroché un 19,5. Cette anecdote a renforcé mes liens avec Claude Monet… ». Sa passion pour le peintre givernois ne se démentira plus : « Dans l’école impressionniste, il y a des grands peintres, dont Renoir ou Pissarro, mais il y a un vrai grand génie qui est Monet. Je suis très sensible à la façon dont il restituait la lumière, mais aussi à sa quête permanente ».

Celui qui portait l’habit d’académicien de Gérald Van der Kemp, l’homme qui fit renaître Giverny, ne ménage pas ses efforts pour faire rayonner la propriété de Claude Monet. Afin de satisfaire des visiteurs venus du monde entier, il décide d’ouvrir le site sept jours sur sept et réorganise le travail des jardiniers en conséquence. En 2011, Hugues Gall choisit de «reconstituer» le salon atelier avec l’aide de Sylvie Patin, Conservateur général honoraire du patrimoine au musée d’Orsay et Correspondant de l’Institut. En s’inspirant de photographies datées de 1915 et 1920, des copies sont accrochées à l’emplacement des originaux. En 2013, Hugues Gall s’attèle à la reconstitution de la chambre de Claude Monet. Exploitant les témoignages de Julie Manet, la fille de Berthe Morisot ou de Gustave Geffroy, fidèle ami de Claude Monet, il propose, au travers de répliques, une fidèle restitution de l’accrochage original. Le directeur de la maison et des jardins de Claude Monet ouvrira également au public, en 2014, la chambre de Blanche Hoschedé-Monet. Tout au long de son mandat qui sera renouvelé jusqu’à son décès, il ne cessera de se passionner pour l’histoire du site givernois et de veiller au respect de ce lieu de mémoire.

A l’annonce de sa disparition, toutes les personnes l’ayant cotoyé ont salué un homme d’exception tout entier dévoué au rayonnement des arts. Le Secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts Laurent Petitgirard a célébré « la mémoire d’une personnalité majeure du monde de l’opéra, de la musique et de l’administration de la culture ». Quant à la plume du Figaro, elle rendait hommage, dans un article daté du 25 mai, à « un homme rare, à l’esprit affûté, à l’élégance britannique, à l’humour filé de tendresse et à l’intelligence brillante ».

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