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Giverny

Dans les coulisses des pélargoniums

Valse du mois de mai oblige, les tulipes habillées de myosotis ont laissé place, dans les massifs bordant la maison, aux pélargoniums et rosiers tiges. Zoom sur un parterre chargé d’histoire !


Connaissez-vous ce précieux autochrome daté de 1921 qui montre un Claude Monet posant fièrement devant son massif orné de géraniums, rosiers et oeillets Flon ? S’il est une zone du Clos Normand où l’oeuvre horticole du peintre est restituée avec la plus grande fidélité, c’est donc bien celle-ci ! Preuve est aussi faite, avec cette photographie, «que Monet mélangeait bien le rouge et le rose, au mépris des conventions de l’époque !», note Gilbert Vahé dans son ouvrage intitulé «Le jardin de Monet à Giverny-Histoire d’une renaissance» (Gourcuff/Gradenigo).

Aussi unique soit-il, cet autochrome conserva, durant de longues années, sa part de mystère. Restait, en effet, à nos mains vertes à dénicher les mêmes variétés de pélargoniums que le maître impressionniste planta en son temps. Mission accomplie en juin 2020, lorsque deux pélargoniums historiques ont été mis en terre à Giverny ! L’homme à l’origine de ce petit miracle ? Yannick Fournet, expert international en pélargoniums et propriétaire de la pépinière «Fleurs de Gascogne», aujourd’hui rebaptisée «Planète pelargonium». Après consultation de la photographie datée de 1921, ce spécialiste a immédiatement identifié les deux variétés (Pélargonium X hortorum Paul Crampel , obtenteur Lemoine, France 1892, de couleur rouge – Pelargonium X hortorum Fraicheur Beauty, obtenteur Cannell, Royaume uni 1910, de couleur rose). Reste que Yannick Fournet, qui possédait une très importante collection de variétés anciennes il y a encore dix ans, en avait fait don d’une bonne moitié au domaine de Versailles-Chèvreloup, propriété du Museum d’histoire naturelle de Paris. Mitoyen du domaine de Trianon, à Versailles, cet arboretum abrite une vaste collection d’espèces plantées à des fins scientifiques, d’étude et de conservation. C’est, en conséquence, auprès de Madame Lucie Vialle, qui gère cette collection horticole, que nos mains vertes se sont approvisionnées. «Elle nous a permis de recueillir des boutures que nous avons bouturées à notre tour , raconte Rémi Lecoutre, notre chef jardinier adjoint …» Ces deux variétés sont désormais plantées à proportion de deux roses pour un rouge : «Le rose est moins vigoureux, moins haut et moins florifère, continue Rémi Lecoutre. Le rouge le domine et sa couleur capte l’attention. Même avec ces proportions, on a l’impression que le rouge est majoritaire en fin de saison !»

Sur ce parterre aujourd’hui iconique plane l’ombre du maître des lieux. Mais saviez-vous qu’il n’a pas été créé de toutes pièces par l’imagination du peintre-jardinier ? Ce dernier a, en effet, reproduit le massif qui agrémentait le jardin du «Coteau», propriété de sa tante Jeanne Lecadre à Sainte-Adresse (Seine-Maritime), près du Havre. Un massif qu’il immortalisa, dès 1866, sur deux toiles intitulées «Adolphe Monet lisant dans un jardin » (Collection particulière), et «Jardin en fleurs, à Sainte-Adresse».  Une manière, sûrement, de rendre hommage à cette figure féminine qui lui offrit, à ses débuts, un soutien décisif …