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Interviews

Dans le secret des nymphéas….

Stars incontestées de l’été, les nymphéas questionnent autant qu’ils fascinent. Plongée, avec notre chef jardinier Jean-Marie Avisard, dans l’univers des fleurs chéries de Claude Monet…



Comment les nymphéas sont-ils entretenus durant la fermeture ?

Pendant l’hiver, les nymphéas développent des rhizomes qui sont cachés dans le fond de l’étang. Ils sont en sommeil. Nous nous devons surtout de les protéger des très basses températures. Afin que le gel ne puisse pas les atteindre, les pots doivent être suffisamment immergés dans le bassin. Les nymphéas se redévelopperont au printemps, dès que la température de l’eau atteindra 16 degrés. Plus l’eau sera chaude, plus ils se développeront vite. Plus le bassin est petit, plus l’eau se réchauffe vite et plus les nymphéas sont envahissants !

Durant la saison, le travail ne manque pas sur le bassin…

En effet, car tout pousse très très vite ! Il est nécessaire d’enlever beaucoup de feuillage pour obtenir une floraison plus importante. L’idée est aussi de perpétuer l’esprit des tableaux de Claude Monet avec ces taches de nymphéas sur l’eau. Il ne faut donc pas que les nymphéas recouvrent tout l’étang ! C’est pour cette raison que tous les jours, un jardinier coupe les feuilles mais aussi l’herbe, c’est à dire les plantes aquatiques autres que les nymphéas…

Vous arrive-t-il de diviser les rhizomes ? 

Oui, si  le nymphéa se révèle trop gros dans le bac où il a été planté. Nous le faisons également lorsque les ragondins arrachent un pied de nymphéa. Il nous faut, dès lors, diviser et replanter à l’endroit où il a été arraché. Cela peut être fait dès la fin des premières gelées et durant toute la saison. 

Les nymphéas peuvent-ils être frappés de maladies ? 

Très peu de maladies peuvent toucher le nymphéa. Cette plante est très rustique et robuste. Le risque N°1 vient des ragondins qui se délectent de ses racines ! 

Quel est le cycle de vie d’une fleur de nymphéa ? 

Les fleurs s’ouvrent et se ferment tous les jours. Si il fait chaud et beau un jour, mais qu’il fait gris et pleut le lendemain, elles s’ouvriront tout de même car elles se souviennent de la météo de la veille. L’inverse est vrai aussi : s’il a fait gris la veille, elles se réveilleront plus tard le lendemain ! Les fleurs se ferment ensuite pour la nuit. Elles vont durer une petite semaine avant de laisser place à d’autres fleurs. Cela se régénère sans arrêt. Et, plus il fait chaud, plus cela se développe !

De quelles couleurs de nymphéas disposez-vous ?

Nous disposons de nymphéas jaunes, blancs et d’au moins dix variétés  de roses. Nous venons de réintroduire une variété de violets presque bleus. Mais ils sont moins vigoureux que les autres ! Claude Monet avait essayé, à son époque, d’installer un lotus bleu dans son bassin. Mais il a vite abandonné car la tâche s’était révélée très compliquée : la plante devait hiverner dans les serres !

Commandez-vous toujours exclusivement chez la pépinière Latour-Marliac, située au cœur du village du Temple-​sur-Lot ?

Nous avons toujours acheté nos nymphéas chez eux. C’est le fournisseur historique de Claude Monet ! Et c’est toujours l’un des plus grands producteurs en Europe. 

Afin d’éviter les mélanges, Latour-Marliac avait, en son temps, créé des variétés stériles. Disposons-nous toujours, aujourd’hui, de ces variétés inchangées ? 

C’est toujours le cas. Les nymphéas sont disposés de façon à ce que des couleurs différentes se côtoient. Mais ils ne se mélangent pas entre eux ! Lors de la restauration, l’étang a été dragué, la vase aspirée et tout a été replanté. Mais nous pouvons tout de même supposer que nous disposons encore de variétés dont Claude Monet usa en son temps ! 

La Fondation Monet reconstitue-t-elle, régulièrement, sa collection de nénuphars ? 

Nous en avons racheté récemment car nous voulions introduire une nouvelle couleur. Mais les classiques sont très vigoureux et très florifères. A moins d’une gigantesque attaque de gel ou de ragondins, ces plantes dureront des années et des années !

En 2019, le séquençage du génome du nénuphar bleu a démontré que les nénuphars et lotus faisaient partie des lignées les plus anciennes de plantes à fleurs ! 

Cela ne m’étonne pas, vue la façon dont elles se comportent dans le jardin ! Les nymphéas sont envahissants, vigoureux et jamais malades. Ils envahiraient tout l’étang si l’on ne s’en occupait pas ! 

Claude Monet a lontemps contemplé ses nymphéas avant de songer à les peindre. Etes-vous, vous aussi, saisi par la sérénité qu’ils inspirent ?

Je trouve en effet que ce jardin d’eau dégage une ambiance zen, propice au silence et à la contemplation. C’est très apaisant. C’est aussi cela que les visiteurs viennent chercher à Giverny…