';
Historique

Claude Monet-Eugène Boudin : la rencontre décisive.

Eugène Boudin fut l’un des premiers peintres français à faire de la nature son atelier. Tel un père spirituel, ce précurseur montrera la voie au jeune Claude Monet et lui révèlera sa vocation picturale…


C’est au Havre, en 1856, que Claude Monet croise la route de l’artiste honfleurais Eugène Boudin. L’homme par qui la rencontre se fit ? Le papetier encadreur Gravier qui exposait simultanément les caricatures du jeune Monet et les paysages de Boudin. « Tout gamin, j’étais très doué pour le dessin, confiera le peintre impressionniste à Marc Elder en 1924 (A Giverny, chez Claude Monet, Berheim-jeune). J’inclinais même à la caricature et (…) un encadreur exposait ces portraits dont la rue s’amusait. C’est là que Boudin les vit ».

Alors collégien âgé de seize ans, Claude Monet ne fait guère montre d’enthousiasme à l’idée d’échanger avec son aîné. Selon Daniel Wildenstein, auteur de Monet ou le triomphe de l’impressionnisme (Taschen), Claude Monet serait même resté de glace lorsque l’encadreur lui aurait suggéré de faire la connaissance du peintre. Il « voyait sans plaisir » les tableaux d’Eugène Boudin qu’il jugeait «affreux» !

La rencontre pourtant se fit. Lors de cette entrevue, Eugène Boudin s’efforce de convaincre le jeune prodige de suivre ses traces : « Ah ! c’est vous, jeune homme, qui faites ces petites choses. C’est dommage que vous en restiez là, il y a des qualités là-dedans. Pourquoi ne faites-vous donc pas de peinture ? »  (Eugène Boudin d’après des documents inédits, l’homme et l’oeuvre, par G. Jean-Aubry, 1922).

Quelques coups de crayon plus tard, les deux hommes se recroisent. « Il me revit, insista, raconte Claude Monet. Tantôt je vais peindre à la campagne, me dit-il un jour. Il faut que vous peigniez ». Et c’est ainsi qu’Eugène Boudin emmène Claude Monet sur le motif à Rouelles, un village situé à 6 kilomètres du Havre. Le jeune artiste aurait, pour l’occasion, acheté sa première boîte de peinture. Au fil de cette séance de travail, Claude Monet découvre la délicatesse de trait de son aîné, sa sensibilité aux effets atmosphériques et cette force avec laquelle il retranscrit ce qu’il éprouve devant le motif. « Je l’accompagnais et, devant moi, il couvrit une toile… Ah, quelle révélation ! La lumière venait de jaillir. Le lendemain, j’apportai une toile : j’étais peintre… »

Comme Claude Monet le confiera à François Thiébault-Sisson dans un article du Temps publié le 26 novembre 1900  : «Et Boudin, avec une inépuisable bonté, entreprit mon éducation. Mes yeux, à la longue, s’ouvrirent, et je compris vraiment la nature ; j’appris en même temps à l’aimer… » De ce mentor qui agit tel un catalyseur, Claude Monet apprendra l’instantanéité, la rapidité d’exécution, l’exigence de la passion et le goût de la liberté. A la fin de sa vie, Claude Monet confiera à son biographe Gustave Geffroy : « Je considère Eugène Boudin comme mon maître (…). Je dois tout à Boudin et je lui suis reconnaissant de ma réussite ». A Marc Elder, il ajoutera que Boudin fut son « initiateur ». « Il m’a révélé à moi-même et ouvert la bonne voie. Et le premier pas, quelle importance