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Historique

1915 : Sacha Guitry « cinématographie » Claude Monet….

Qui n’a pas rêvé d’observer, ne serait-ce qu’une poignée de secondes, le maître de l’impressionnisme dans son eden givernois ? Unique et inestimable, ce document filmé existe !


« Je ne veux pas que, dans cinquante ans, vos petits enfants viennent me dire : « Comment, bon vieillard, vous viviez en même temps que Claude Monet… et vous n’aviez pas eu l’idée de le cinématographier pendant qu’il travaillait ?  » Malicieuse, la phrase, lancée à l’automne 1915, est signée Sacha Guitry. Et, cent deux ans plus tard, elle nous amuse autant qu’elle nous ravit…

L’histoire commence en 1914. Ulcéré par le manifeste d’intellectuels allemands exaltant la culture germanique, l’auteur se met en tête de créer « une encyclopédie animée », dans laquelle défileraient « ceux qui incarnent le génie intellectuel et artistique français ». Entre revendication « cocardière », et désir de transmettre aux générations futures, Sacha Guitry, que la médiocrité répugne, saisit la caméra. Ainsi immortalise-t-il, avec sa « lanterne magique », le virtuose Auguste Rodin et ses gestes agacés, le pianiste Camille Saint-Saëns cabotinant, ou le sourire amusé d’Edmond Rostand. Puis vient le tour de Claude Monet, avec qui Sacha Guitry a noué, par l’intermédiaire d’Octave Mirbeau, une sincère amitié. Qu’importe leur quarante-cinq années d’écart ! Convié régulièrement à Giverny, Sacha Guitry le filme devisant dans l’allée centrale du jardin, ou pinceau à la main. Nous connaissions Claude Monet figé dans ses autoportraits. Et, sur la pellicule, le voilà qui bouge, sourit, ou peint cigarette au bec ! Guidé par son goût pour l’esquisse, Guitry « attrape » l’essentiel….

Muet, le document original, « Ceux de chez nous », sera présenté le 22 novembre 1915 au théâtre parisien des Variétés. Le réalisateur le double en direct ! En 1952, des images filmées par Frédéric Rossif furent ajoutées au film. Assis derrière son bureau, Sacha Guitry y commente les séquences qu’il captura trente-sept ans plus tôt. Très en verve, il ne tarit pas d’éloges sur le maître givernois, qu’il qualifie d' »être parfait  qui ne se vantait jamais ». Et d’ajouter : « Son jardin était un des plus beaux du monde. Il en décidait la couleur quelques mois à l’avance. Il n’avait qu’un seul luxe, ses fleurs…. »