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Historique

Et Claude Monet fondit pour les nymphéas…

Entre Claude Monet et les nymphéas, le coup de foudre ne fut pas immédiat. Histoire d’une rencontre entre un peintre et ses iconiques plantes aquatiques, qui l’obsédèrent tant qu’elles lui inspirèrent plus de deux cent cinquante œuvres…


Temple-sur-Lot. Après une dizaine d’années de tentatives avortées, Joseph Bory Latour-Marliac réussit  à croiser les nénuphars rustiques blancs avec des variétés tropicales achetées auprès de collectionneurs. Entre 1870 et 1880, cet expert donne naissance à dix-neuf variétés de nymphéas colorés, toutes présentées à l’Exposition universelle de 1889. Il y recevra le premier prix dans sa catégorie. Un certain Claude Monet, fou de fleurs, repère dans les bassins du Trocadéro ces fantastiques créations…

5 février 1893. Claude Monet signe, à Vernon, l’acte d’achat d’une bande de terrain située en contrebas de sa propriété, entre le Ru de Giverny et la voie ferrée. Malgré une levée de boucliers de la municipalité, il obtient l’autorisation de prélever en amont du Bras Communal de l’Epte, l’eau nécessaire à l’arrosage de ses plantes aquatiques par l’intermédiaire d’une prise d’eau munie d’une vanne. Entouré de saules, roseaux et iris, le bassin est enfin creusé ! C’est en 1894 que le peintre-jardinier passe sa première commande à la pépinière Latour-Marliac. Il y achète alors autant de lotus que de nénuphars ! S’il suit les conseils du pépiniériste à la lettre -«Les rhizomes doivent être plantés horizontalement et à peine recouverts de vase dans le bassin destiné à les recevoir. Ils ne doivent pas être immergés à plus de 50 centimètres de profondeur»-, les lotus refusent de s’acclimater ! Mais les nymphéas, eux, prolifèrent…

C’est en 1895 que Claude Monet réalise, en hiver, une première vue du pont japonais. Mais c’est en 1899 que le peintre réalise la première grande série de ses Bassins aux nymphéas. «Les grands nymphéas, en nappes successives, disputent aux reflets des arbres et des iris le microcosme coloré du petit étang qu’enjambe l’arc de la passerelle irréprochable», commente Daniel Wildenstein dans «Monet ou le triomphe de l’impressionnisme». Le déclic ? «J’ai mis du temps à comprendre mes nymphéas, confesse Claude Monet. Je les cultivais sans songer à les peindre… Un paysage ne vous imprègne pas en un jour… Et puis, tout d’un coup, j’ai eu la révélation des féeries de mon étang. J’ai pris ma palette. Depuis ce temps, je n’ai guère eu d’autre modèle ». Le 23 novembre 1900, une dizaine de versions du Bassin aux nymphéas est exposée à la galerie Durand-Ruel. L’année suivante et grâce à l’achat d’une parcelle contiguë et à la dérivation d’un bras de l’Epte, Claude Monet triple la surface de son bassin. 

En 1909, ce sont 48 oeuvres -exécutées entre 1903 et 1908- qui sont exposées dans la galerie Durand-Ruel sous le titre «les Nymphéas, Série de paysages d’eau». Le paysage qui entoure le bassin s’y réduit à une bande étroite en haut de la toile ou disparaît pour laisser place à l’eau et aux nymphéas. «Ces paysages d’eau et de reflets sont devenus une obsession», écrit Claude Monet à Geffroy le 11 août 1908. La grande histoire des nymphéas était lancée…