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Historique

Aux sources de l’inspiration du peintre-jardinier…

Les jardins du maître impressionniste rouvriront, le 22 mars prochain, leurs portes au public. Mais où donc Claude Monet puisa-t-il son inspiration pour composer cet écrin de verdure ? Plongée dans le passé…




Mai 1883. Claude Monet pose ses valises au «Pressoir», une bâtisse givernoise  crépie de mortier rose et dotée d’un hectare de terrain. Constitué d’une vaste pommeraie et d’un potager, le jardin n’est, à son arrivée, qu’un bloc de pierre à façonner. Mieux, une toile qui réclame d’être peinte ! Arrachage du buis taillé, plantation de fleurs… Le peintre impressionniste se mue en jardinier avisé. Et c’est, en 1886, un voyage à La Haye qui va profondément modifier la structure et les couleurs du Clos Normand. Claude Monet y découvre, en effet, des champs de tulipes dont les îlots de couleurs dessinent une mosaïque flamboyante. A son retour, il se met en tête de recréer ces étendues de coloris purs en plantant de longs parterres rectangulaires. Si le thème du Clos Normand est trouvé, Claude Monet prend soin d’y installer différentes harmonies en y ajoutant, sans cesse, de nouveaux motifs : des rangées d’iris bleus, des glaïeuls monochromes… Le peintre-jardinier imagine même une version plus petite de ces parterres, les fameuses trente-huit boîtes de peinture, surnommées «tombes» par nos jardiniers !



Niché devant la maison aux volets verts, le parterre de géraniums (pélargoniums) et rosiers tiges illumine, dès le mois de mai, le Clos Normand. Saviez-vous que Claude Monet s’inspira de l’histoire familiale pour le composer ? L’artiste reproduisit, en effet, le parterre qui colorait le jardin du «Coteau», propriété de sa tante Jeanne Lecadre à Sainte-Adresse (Seine-Maritime), près du Havre. Un massif qu’il immortalisa d’ailleurs, dès 1866, sur deux toiles intitulées «Adolphe Monet lisant dans un jardin » (Collection particulière), et «Jardin en fleurs, à Sainte-Adresse» (musée Fabre, Montpellier, France)…



A quelques enjambées se dresse la grande allée qui, en été, regorge de capucines facétieuses à l’exubérante floraison. Entre ces plantes orangées serpente une rivière de graviers qui ondule avec poésie vers le grand portail. Comment cette folle idée germa-t-elle dans l’esprit de Claude Monet ? «Planter des capucines dans une allée, c’est rare car ça grimpe !», admet Gilbert Vahé, chef jardinier historique de la restauration du domaine. Alors pourquoi ? «Claude Monet avait été subjugué, à Bordighera, par le jardin Moreno, si touffu et foisonnant, continue Gilbert Vahé. Il a voulu recréer, à Giverny, ce qu’il avait ressenti là-bas…». Un voyage entrepris en 1884 et qui, en témoignent ses correspondances, le subjugua. «Un jardin comme ça, c’est indescriptible, c’est pure magie, toutes les plantes du monde poussent là dans le pays, et sans paraître soignées, note-t-il le 5 février 1884 à sa compagne Alice. C’est un enchevêtrement de palmiers de toutes sortes, de chaque espèces d’oranges et de mandarines ! ».



Et le jardin d’eau ? Nul  n’ignore que Claude Monet s’inspira des estampes japonaises, qu’il collectionnait et accrochait aux murs de sa maison, pour façonner cet écrin à l’exotisme tempéré. Agrémenté de bambous, glycines, érables du Japon, azalées et autres pivoines arbustives, un délicieux eden  qui rappelle le jardin-promenade de l’ère Edo (1603-1868)… Quant au pont de bois qui enjambe l’extrémité du bassin, sa forme arquée et son garde-corps lui ont logiquement valu le nom de «pont japonais» !

C’est, enfin et plus généralement, dans la palette impressionniste que Claude Monet puisa son inspiration pour colorer son écrin. Ainsi l’association du jaune et du bleu, l’une des combinaisons favorites de son courant artistique, surgit-elle de toute part dans son jardin givernois…

Si ces suggestions le guidèrent, Claude Monet devint, au fil des ans, un inventif jardinier qui mêlait l’ordinaire et l’exotique, fonçait vers les nouveautés et traçait son propre sillon. Un jardinier à l’image du peintre qu’il était. Tant et si bien que son écrin de verdure devint, vers la fin de sa vie, l’unique source de son inspiration picturale…